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SECTION SPORTIVE & AS RUGBY
11 janvier 2012

Un petit reportage sur le pole Espoir de Lakanal avec Gavin en photo.

Il y a de drôles d’élèves à la cité scolaire Lakanal. Que l’on découvre, à 17h, après les cours, suant sang et eau dans une petite salle de musculation du lycée. Soulevant, allongés, des fontes de 70 kilos. Faisant d’inhumaines tractions suspendus à une barre. Leur musculature témoigne des efforts répétés consentis en ces lieux.

Dans la salle de musculation. © Elodie Ratsimbazafy

Dans la salle de musculation. © Elodie Ratsimbazafy

Ce sont les gaillards du Pôle espoir rugby. « Pôle d’excellence contribuant au rayonnement de l’établissement », selon son proviseur, Martine Breyton. Trente joueurs de haut niveau qui fréquentent les classes de seconde, première et terminale – mis à part deux jeunes qui sont au lycée professionnel de la ville. Ils absorbent les mêmes cours que leurs camarades et, de surcroît, 8 à 10 heures d’entraînement par semaine. Ce qui donne un emploi du temps sacrément chronométré : 17h, après la classe, entraînement de deux heures. Puis dîner. Etude encadrée de 20h à 21h30. Puis re-travail dans leur chambre (ils sont tous internes). Extinction des feux à 22h30. Le week-end, retour chez eux pour jouer les compétitions dans leur club. Une ascèse.

Ils ont été triés sur le volet sur « leur capacité et motivation à mener de front un double projet scolaire et sportif», résume Romain Parbaile, le responsable du Pôle. S’ils ne remplissent pas ce double objectif, s’ils sont par exemple contraints au redoublement, il leur faut partir… Recrutés pour la plupart en fin de troisième, ils n’avaient pas forcément 15 de moyenne mais toujours des appréciations les décrivant comme sérieux et travailleurs, et surtout un niveau très prometteur au rugby, les classant parmi les meilleurs d’Ile-de-France, du Nord et de Normandie.

Dans le bureau du Pôle Espoir Rugby : à g. André Peytavin, fondateur de la section sports études à Lakanal ; au centre, les portraits de promo ; à dr., Romain Parbaile, responsable du Pôle. © Elodie Ratsimbazafy

Dans le bureau du Pôle Espoir Rugby : à g. André Peytavin, fondateur de la section sports études à Lakanal ; au centre, les portraits de promo ; à dr., Romain Parbaile, responsable du Pôle. (Cliquer pour agrandir.) © Elodie Ratsimbazafy

Car la professionnalisation du rugby a élevé le niveau d’exigence. En 1974, lorsqu’il crée le Sport-études rugby de Lakanal (avec René Deleplace), le premier en France pour un sport collectif, André Peytavin a « 5000 francs par an pour faire fonctionner tout ça, et à peu près aucune aide de la Fédération française de rugby». En 2000, le Pôle remplace le sport-études. « Gros investissements du ministère de l’Education et de la Fédération », poursuit l’ancien arbitre international et inspecteur d’académie. Il y a maintenant pour encadrer les jeunes un professeur d’EPS spécialiste du rugby avec brevet d’état fédéral, plus un adjoint payé par la FFR. « La Fédé paie deux tiers des frais de scolarité. Le budget du Pôle est de 80 000 euros annuels ».

Les aspirants rugbymen ne sont plus 50 mais 30, « détectés » en compétition par leur entraîneur, les dirigeants du Pôle et les instances régionales. Tous, sans exception, rêvent de devenir professionnels. « La formation ici devient lourde d’enjeux de carrière, constate, et regrette un peu, M. Peytavin. Certains parents sont prêts à tout pour que leur gamin passe pro, peu importent les études. Ils nous intenteraient même un procès si l’on n’était pas impeccables ! A mon époque, il n’y avait pas cette pression…»

Entraînement au stade de la Grenouillère (parc de Sceaux), un mardi soir, entre 17h et 18h30. © Elodie Ratsimbazafy

Entraînement au stade de la Grenouillère (parc de Sceaux), un mardi soir, entre 17h et 18h30. (Cliquer pour agrandir.) © Elodie Ratsimbazafy

Sébastien Zamia, l’adjoint employé par le Comité régional de la Fédération, a été lycéen-rugby dans ce même lycée, au début des années 90. « Cela n’a plus rien à voir. Maintenant la préparation physique par exemple, c’est trois heures de renforcement musculaire par semaine. On avait trois entraînements hebdomadaires, ils en ont au moins neuf... » Les mentalités, aussi, ont évolué : « Ils sont beaucoup plus individualistes, ce qui peut poser problème pour un sport collectif. Heureusement, comme ils passent beaucoup de temps ensemble, des liens très forts se tissent. Mais ils ont des objectifs personnels très marqués, qui sont liés au souhait de professionnalisme. Ils pensent tous à leur sélection en équipe de France des moins de 18 ans. »

Réussiront-ils à intégrer le Pôle espoir de Marcoussis, où les meilleurs d'entre les meilleurs affluent depuis la France entière? Ce ne sera le cas que d’une petite trentaine de joueurs parmi les cent formés dans les dix Pôles espoir lycéens. Quant à l’équipe de France… Mathieu Bastareaud et Wesley Fofana (retenu parmi les trente qui préparent le tournoi des six nations) sont passés par Lakanal. Alors, qui sait ? Peut-être reconnaîtrez-vous à la télé, d'ici trois ou quatre ans, Stephen, Nicolas ou Camara chantant fièrement la Marseillaise?

Camara. © Elodie RatsimbazafyCamara, 17 ans, en première bac pro vente, troisième ligne aile, joue à Massy.

« Je jouais à Bobigny. Ici, par rapport au collège République de ma ville, c’est un peu vieux, c’est un monument historique, non ? Bon, c’est différent, mais j’ai quand même pas changé de pays ! J’ai fait du rugby à l’AS du collège, l’entraîneur m’a suggéré de m’inscrire en club. Ici, c’est dur physiquement, le rythme intensif des entraînements. J’ai pris dix kilos depuis que je suis arrivé. Mais ça me fait plaisir. J’aime la convivialité, l’esprit d’équipe, la solidarité entre nous. Je veux être pro, comme tout le monde ici. Le maillot, la Marseillaise, ça me fait rêver ».

Nicolas. © Elodie RatsimbazafyNicolas, 17 ans, en terminale ES, joue trois-quarts centre ou demi d’ouverture, son club est le Stade français.

« En première, j’étais au lycée de Poissy. La charge de travail ici est plus conséquente, et le lycée est exigeant, il y a un écart. Mais cet environnement m’a porté. J’ai pris le rythme. Je fais du rugby depuis mes huit ans, j’ai commencé en Argentine où je vivais. J’aime les valeurs de ce sport. Qu’il y ait des petits, des grands, des gros, des maigres, des intelligents ou pas. Ça me correspond, je suis assez solidaire, j’ai besoin d’être entouré. Le monde du rugby, c’est une énorme force. Sur le terrain, je vais plus me battre pour le mec à côté de moi que pour moi. J’aime les grands espaces, travailler avec la balle, essayer d’ouvrir des intervalles ».

Stephen. © Elodie Ratsimbazafy

Stephen, 17 ans, terminale S, ailier, joue au PUC.

« Cumuler les deux, c’est difficile. Je rame un peu au niveau des notes. Heureusement, il y a un autre rugbyman avec moi en classe, on s’entraide. On essaie aussi de casser l’image de grosses brutes des rugbymen, de montrer qu’on peut être sympas et même avoir de bonnes notes ! J’étais au collège Georges Braque dans le 13ème, à Paris. Ici, les profs nous demandent beaucoup plus. En première, on prépare le bac, en terminale, on prépare la math sup. Moi, je voudrais déjà avoir mon bac ! J’ai commencé le rugby à six ans, à Madrid. C’est une passion. Ce lien de camaraderie dans le jeu. J’aime bien attaquer balle en main, jouer des duels sur de grands espaces. Il n’y a plus que moi et l’adversaire, c’est magique, c’est comme si le temps s’arrêtait ».

Quentin. © Elodie RatsimbazafyQuentin, 16 ans, première ES, demi de mêlée, joue au Stade français

« La fatigue joue beaucoup en hiver. Les cours sont difficiles, les profs oublient qu’on a moins de temps de travail, on est notés pareil. Mais on s’y habitue… Et puis on l’a voulu, on a l’envie ! C’était un rêve de gamin d’être là, c’est ce qui se fait de mieux à notre âge. On se rend compte de toutes les étapes qu’il faut franchir pour devenir pro, du travail qu’il y a derrière ! Moi j’ai commencé le rugby à 5 ans. Mes grand-père, père, frère, cousins ont fait du rugby, je suis né le rugby à la main. J’aime ses valeurs, le respect de l’adversaire, la troisième mi-temps, les supporters qui ne se battent pas dans les tribunes, tout ce qu’on ne voit pas forcément au foot. J’aime le collectif, souffrir ensemble. Je fais 1,66 mètre et 60 kilos, il y a des moments difficiles… Mais des coups, je peux en donner, malgré mon gabarit, dans les règles du jeu évidemment. C’est un plaisir ! »

Thomas. © Elodie RatsimbazafyThomas, 16 ans, en première STG, centre ou demi d’ouverture, joue à Massy

« J’ai commencé vers 6 ans. Mon père a entraîné une équipe de pros. J’aime le contact, la violence raisonnée, les beaux gestes, le jeu au pied, les très belles passes où on innove, derrière la tête par exemple. Faut être très travailleur. On n’a pas énormément de loisirs, faut toujours être au top, ça use un peu mentalement et physiquement, surtout la première année. Mais le talent, ça ne marche plus de nos jours. Les joueurs, ce sont des super costauds qui travaillent énormément la technique et passent des heures et des heures en musculation ».

 
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